Analyse de Nicolas Bürki, Analyste financier auprès de la banque REYL Intesa Sanpaolo
Nous voici donc à nouveau sous les guirlandes décorant l’année écoulée pour évaluer la suivante. Cela commence par une impression de déjà vu : similaire à l’année dernière, la thèse qui guide les marchés actions ces dernières semaines est celle d’une baisse à venir des taux directeurs par les banques centrales, escomptant la victoire sur l’inflation en un scénario favorable.
D’autres paramètres sont moins optimistes qu’un an auparavant : le contexte géopolitique s’est détérioré, la Chine inquiète, le redémarrage post-COVID est derrière nous, les indicateurs avancés sont faibles. Le service de la dette entrave les comptes étatiques, les sociétés les plus endettées, ainsi que les consommateurs.
En ce qui concerne les actions suisses, les deux dernières années ont été douloureuses. Le SMI®, indice des grandes capitalisations, est inférieur d’environ 15% à son sommet. Le SMIM®, indice des moyennes capitalisations principales, est en repli de 30% depuis son plus haut. Les bénéficiaires de la période du COVID - tels Roche, Lonza, Tecan, Bachem, Straumann, Geberit, Givaudan, …- et les titres à croissance et/ou multiples élevés - par exemple Sika, SGS, Sonova, Belimo, Schindler, SIG, …- ont subi le déclin des revenus liés à l’épidémie, la compression des multiples et perdu jusqu’à la moitié de leurs valeurs en deux ans. En 2023, le franc fort a amputé sensiblement les revenus (autour de 5%) et les marges.
2024 débute avec un marché suisse redevenu moins onéreux, en particulier pour les moyennes et petites capitalisations, ainsi que pour les titres à haut multiples. A environ 17x les bénéfices 2024 estimés en croissance de +8%, le marché suisse est à mi-chemin entre des actions européennes bon marché (~13x, estimation de croissance de +6%) et des actions américaines aux multiples élevés (~20x, croissance estimée à +11%).
Pour les deux sous-univers du marché se distinguent en Suisse, les grandes capitalisations présentent des perspectives de croissance de +9%, légèrement supérieur à la moyenne historique. En revanche, les moyennes et petites capitalisations anticipent une croissance de +5%, ce qui est inférieur environ de moitié à leur performance historique. Les croissances de ces sous-univers en 2023, qui forment la base de comparaison, sont presque exactement la réciproque. Les analystes ne débordent donc pas d’optimisme pour le sous-univers plus cyclique.
Les moyennes et petites capitalisations, qui se traitent avec une prime de ~15% vis-à-vis des grandes capitalisations (multiple de18.5x contre 16.5x), retrouvent un niveau de valorisation moyen, dans le haut de la fourchette des années précédant la période de taux négatif. Pourtant, la faible croissance estimée gonfle le multiple. La prime est bien moindre que les 30%-40% atteints aux plus hauts. Au cours de 2023, les perspectives ont été débarrassées des problèmes d’approvisionnement, mais inquiétées par le déstockage. Les résultats et perspectives qui seront publiés de janvier à avril sont dès lors très attendus. En cas « d’atterrissage en douceur », ce sous-univers fournira des investissements à saisir.
Les grandes capitalisations dans leur ensemble n’ont pas atteint des valorisations exubérantes durant la période des taux négatifs et se traitent à un niveau historiquement moyen. Ensemble, elles promettent l’usuel rendement du dividende de 3.5%.
Si le ralentissement se précise, il serait logique de voir l’allocation aux actions suisses augmenter pour ses qualités défensives. L’alimentation (~20% de l’univers), la santé (~33%), les assurances (~8%) totalisent > 60% de la capitalisation suisse classée « défensive », essentiellement parmi les « blue chips ».
L’année écoulée a normalisé les valorisations, consommé les effets positifs et négatifs de la pandémie, ébranlés le système financier et l’immobilier. La visibilité est en baisse. On évitera pour l’instant les sociétés trop endettées, aux leviers opérationnels élevés, trop dépendantes de l’énergie. En somme, 2024 s’aborde par la négative et le conditionnel. Mais de nombreux champions technologiques ou sectoriels, de toutes tailles, sont à disposition pour les scénarios alternatifs.
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