Vous vous prélassez en toute quiétude sur votre pelouse et profitez de la nouvelle piscine que vous avez fait réaliser en prévention d’autres vagues de chaleur. Soudainement, un drone fait son apparition dans le ciel. Il vous semble très proche et vous subodorez qu’il puisse être équipé d’une caméra, à l’aune de sa trajectoire circulaire dont le point central est votre chaise longue. Vous tentez alors au moyen de votre jet d’eau de repousser l’intrus, en vain. Puis vous vous mettez en tête d’identifier l’outrecuidant qui réduit ainsi à sa portion congrue votre phase d’intense repos. Muni de vos jumelles, vous tentez de discerner, autant que faire se peut le pilote, qui n’est autre que l’un de vos voisins qui semble initier l’un de ses fils.
Vous vous interrogez alors sur les règles qui prévalent spécifiquement en termes de collecte de données et de respect de vos droits de la personnalité. Un jugement d’une cour zurichoise (Arrêt OG-ZH UE200430‑O/U/MUL du 26 novembre 2021) va vous permettre de comprendre la manière dont ces vols de drones sont appréhendés.
Pour que la loi sur la protection des données trouve application, il faut qu’existe un fichier au sein duquel figurent des personnes identifiables.
La question fondamentale a donc trait au fait de savoir à partir de quelle hauteur les personnes ne sont plus identifiables ou reconnaissables sur les images retransmises en direct ou sur les vidéos ou photographies enregistrées. Il existe plusieurs moyens de répondre à cette question comme une inspection du drone, une analyse du mode d’emploi ou encore une expertise technique. La cour a retenu que les images retransmises en direct au pilote du drone, mais qui n’ont pas été conservées, ne constituent pas un fichier au sens de la loi et cela indépendamment du fait que la personne ait été reconnaissable ou identifiable sur ces images.
Cette décision qui a été critiquée par la doctrine (car elle ne retenait pas de violation de la loi) démontre les difficultés de la fixation d’une limite légale à l’usage des drones. Cette limite va dépendre d’une pluralité de facteurs, soit du type de drone, de l’équipement embarqué, de l’attitude du pilote, de ses intentions, etc. L’évolution constante des capacités des caméras embarquées signifie que le caractère dolosif sera plus aisément retenu à l’avenir. On imagine mal qu’un juge puisse ne pas sanctionner l’usage abusif d’un drone qui réaliserait des images parfaites et sur lesquelles tout un chacun est reconnaissable. Mais surtout comme cela est le cas lors d’abus de l’utilisation d’internet (par exemple lorsque vous critiquez acerbement ou commentez une publication), il y a une réalité qui mérite réflexion. Même si en définitive, vous êtes acquitté, vous aurez dû faire face à un interrogatoire de police, à une procédure et parfois dû consulter un avocat avant que votre sort ne soit scellé. Aucun innocent dans ce pays n’est indemnisé pour le temps consacré à une procédure qui prête légitimement à discussion. Les frais peuvent même parfois être mis à sa charge. Voilà qui incite à la tempérance.
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